Sylvie Vartan Turquie 1966

Après l'apothéose que fut  sa tournée mondiale l'année précédente, 1966 est une année charnière pour Sylvie Vartan  tant au niveau personnel  que professionnel. Le 14 août voit la naissance de son fils David. Inévitablement les conséquences sur sa carrière sont importantes.

En 1966, la vague yéyé se meurt et les têtes d’affiches s’efforcent de s'adapter aux nouveaux goûts du public, certains ne passeront pas la rampe...Bien que son manager Johnny Stark l’en ait fortement dissuadée, Sylvie met ses activités professionnelles entre parenthèses. On la voit à la télévision pour la promotion de sa nouvelle chanson "Il y a deux filles en moi" mais pour la scène, l'année 1966 est réputée comme étant une année sabatique.

Pourtant, en novembre, l'agenda de Sylvie comporte une tournée importante : la Turquie. Avec le recul, elle apparait comme un test pour sa nouvelle orientation musicale, tant sur scène que sur disques. L'album "2'35 de bonheur" qui paraitra l'année suivante confirmera cette orientation. La synthèse des informations disponibles sur cette tournée  nous permet d'en avoir une idée plus précise :

"Quatorze personnes sur scène"  annoncent les publicités,  allant  jusqu’à qualifier la tournée "d’événement de l'année".  Sylvie,  Eddie , six musiciens… auxquels  se rajoutent  les choristes,  probablement trois. Des danseurs étant mentionnés dans un article, nous en déduisons qu'ils sont trois eux aussi, pour arriver à quatorze personnes. C'est le dispositif qui sera celui de l'Olympia 67.
 

Le répertoire évolue,  laissant une plus grande place aux titres R&B empruntés à Fontella Bass mais aussi à James Brown. L’influence de "Mr Dynamite" est dans l’air du temps et s’illustre dans le spectacle de Sylvie un mois avant celui de Claude François à l'Olympia.

A Istanbul Sylvie chante dans un  théâtre du XIXème siècle de 1820 places, le plus grand de la métropole turque...

Il est temps pour nous de retrouver nos amis du journal SES qui comme en 1965 ont suivi la tournée de Sylvie Vartan pas à pas. Un article en forme de "mea culpa" puisque le journaliste reconnait que Sylvie n'est pas la star gâtée et capricieuse qu'il s'était plu à décrire....Cette fois encore , Sylvie réside à l’hôtel Hilton, chambre 615, elle arpente le Grand Bazar où elle déclenche une émeute , elle achète un manteau en peau pour Johnny et plusieurs bijoux en or.

Parmi les anecdotes, on apprend que Sylvie a raté le vol qui devait l'emmener d'Izmir à Ankara, elle a dû prendre un avion privé qui a couté une fortune au producteur...Le soir après les concerts on  la voit sortir dans les night-clubs , notamment "Le gondole" où on la surprend en grande conversation avec celle qui est déjà la plus célèbre chanteuse turque, Ajda Pekkan.

Pour sa troisième visite en Turquie Sylvie Vartan nous a montré son vrai visage. Malgré la gloire, la jeune chanteuse n’est pas  une femme gâtée aveuglée par l'argent facile, mais une personne timide, qui est restée plutôt modeste et s' étonne encore de ce qui lui arrive. La distance à laquelle elle tient ses fans n'est pas de l’arrogance comme on a pu le croire. En réalité c'est une conséquence de sa timidité.

Jeudi : Son avion en provenance d’Athènes se pose à Yesilköy. Elle est accompagnée par son frère Eddie et son  manager Carlos. En marron de la  tête  aux pieds,  elle porte  un pantalon de velours évasé, des  bottes en daim et une veste de fourrure. En attendant ses  bagages  à  la douane,  aussitôt  reconnue  par  lesjournalistes, elle est assaillie de questions sur son voyage , elle reste très courtoise mais visiblement fatiguée , elle s’éclipse rapidement. Sylvie a aujourd’hui 22 ans , elle est d’origine Bulgare. En Europe , on l’appelle la reine des yéyés, son style est copié par les jeunes filles de Turquie. On dit d’elle qu’elle est très arrogante, distante et froide .Nous avons pu la suivre pas à pas pendant les cinq journées qu’elle a passé à Istambul et nous pouvons conclure que tout ce que l’on dit d’elle est faux. Sylvie Vartan est adorable et humble. Le soir nous l’avons suivie dans les night-clubs après les concerts et elle s’est montrée charmante.  Elle ne cesse de plaisanter et de sourire mais elle est très timide. Pour sa troisième visite en Turquie sa tournée était sold-out , que ce soit dans les salles de concert ou dans les night-clubs. "Le Suadiye "n'a pas hésité à titrer  "L’événement de l’année"! Avec son maquillage léger et ses cheveux lisses on lui donne à peine 17 ans. En concert elle change souvent de tenue, elle porte notamment un pantalon et une robe courte lamée argent-or avec des mocassins à talons plats. Samedi elle s'est rendue au Grand Bazar, elle a acheté une bague en or qu’elle n’a plus quittée. Reportage : Ahmet Ozbek - Photographies : Kutlu Ertuna - Sedat Dizici.

Lorsqu'en juillet 1966 Yves Saint Laurent présente pour la première fois un smoking dans un défilé haute couture, il invente ni plus ni moins le smoking au féminin et c'est un succès immédiat dans la presse. Le modèle porte le n°88 sobrement décrit "Smoking de lainage noir, piqué blanc".

Sylvie Vartan se montre aussitôt sensible à cette innovation retentissante puisque ce smoking est le tout premier vêtement Saint Laurent que l'on peut voir sur elle. Rappelons qu'elle met au monde le petit David le 14 août.

Françoise Hardy, quant à elle, déclare  le 10 novembre dans une interview au magazine "Elle" :"Je vais rue de Tournon chez Saint-Laurent essayer ma nouvelle tenue de scène : smoking noir, pantalon, veste longue et chemise de dentelle blanche. II faut que je me dépêche de le mettre. Je viens d'apprendre que Sylvie Vartan a commandé le même". (Voir ce site consacré à Françoise Hardy )

En 2014 une scène du film "Saint Laurent" de Bertrand Bonello fait allusion à cette anecdote...

A y regarder de plus près, on s'aperçoit que les smokings de Sylvie Vartan et de Françoise Hardy ne sont pas tout à fait les mêmes. Celui de Françoise vient de la boutique rive gauche, laquelle  ouvre ses portes le 23 septembre 1966 , tandis que Sylvie choisit l'original haute couture. Quelle différence vous demandez-vous ? Visiblement plus fluide, le modèle haute couture présente des pans de veste moins arrondis, il comporte deux boutons au lieu de trois. Cependant la différence majeure reste le prix... dix fois plus élevé pour le modèle haute couture! Laquelle des deux chanteuses aura été la première à faire l'acquisition de son smoking? Seule une véritable "enquête" menée par des admirateurs passionnés permettrait de le savoir....

Françoise porte son smoking à de très nombreuses reprises, à la télévision, sur scène et au cours de plusieurs soirées. Tout spécialement pour elle, Yves Saint Laurent dessine un modèle "rose shocking gansé de violet" . Trop "d'audace chromatique" pour Françoise qui ne le porte que pour la couverture d'un numéro du magazine  "Mademoiselle Age Tendre" dont elle est , tout comme Sylvie Vartan, l'une des "têtes d'affiche"...

OUI OU NON AU SMOKING POUR  LES FEMMES ? Qui aurait pu penser qu’un smoking, un vrai, à la  veste fermée par trois boutons, au col  à large revers et au pantalon souligné d’un ruban de satin noir le long de la jambe, prendrait la place du fameux, de l’inusable petit tailleur de velours noir créé par Chanel il y a plus de 20 ans ? (...) En septembre, Yves Saint Laurent en a vendu plus de 500 dont 300 en grain de poudre (en fin lainage) et 200 en velours. Tous noirs, évidemment. Et Françoise Hardy, Sylvie Vartan, Melina Mercouri, Elsa Martinelli, Sophie Livah ne sont pas les seules à porter ce smoking, de nombreuses femmes en  sont tombées amoureuses. Désormais à chaque fois, on voit ces nouvelles tenues de soirée sur des personnes très élégantes. Certaines préfèrent laisser la veste ouverte et l’accompagnent alors d’une chemise blanche à jabot. D’autres adoptent la chemise tuyautée à col droit, d’autres encore la vraie chemise de smoking et le nœud papillon "Butterly".  Que l’on choisisse des bas dorés, de fines chaussettes noires ou des collants, les chaussures qui accompagnent le mieux le smoking sont en satin et ont la forme de petites boots à talon de cinq centimètres.  Parce que le noir et le blanc font extraordinairement ressortir les jolies teints  et  les longues silhouettes, même les  hommes  adorent  ces nouveaux  smokings.  Mais attention. Pour bien les porter, il faut être très féminine. Surtout pas de chignon tiré, pas de cheveux trop courts. Les coiffures longues, les franges, les mèches qui bougent, qui adoucissent les traits sont de loin préférables.